Journal de la guerre
de 1870
au Plateau d'Avron

22 DÉCEMBRE

Il gèle durant la nuit. Sur AVRON les troupes ont bivouaqué par un froid cruel, sans tente, sur la terre couverte de neige. Les troupes souffrent beaucoup du froid. On déplore de nombreux cas de congélation durant la nuit du 21 au 22. Pour évacuer VILLE-ÉVRARD, la brigade SALMON redescend du Plateau vers MAISON-BLANCHE. Dès que la troupe se retrouve au centre de la plaine, l'artillerie Prussienne, réinstallée à NOISY le GRAND ouvre le feu. Le Plateau d'AVRON riposte avec vigueur. A dix heures du matin, VILLE-ÉVRARD est totalement évacuée. Le gel ne permet plus de continuer les travaux de défense.

24 DÉCEMBRE

La température descend à -11°.
La nuit de NOËL se passe sans combat dans le secteur du plateau d’AVRON.

25 DÉCEMBRE

La température est de -15°.
Sous la tente, l'encre se congèle et il est difficile à nos officiers de travailler. L'eau, le vin sont gelés et le pain ne peut être tranché qu'à coups de hache. Pendant la nuit, deux sentinelles des postes avancés où l'on ne peut pas faire de feu, sont gelées. Dans la matinée, les observateurs du Fort de ROSNY ainsi que le Colonel STOFFEL des hauteurs d'AVRON, observent des travaux importants chez les ennemis qui construisent des plates-formes d’artillerie.

26 DÉCEMBRE

L'ennemi arme une batterie à l'arrière de NOISY le GRAND pensant que des hommes sont restés dans le parc de MAISON-BLANCHE. Ils ouvrent le feu sur la partie Ouest. AVRON ne répond pas. Le Général VINOY réunit sur AVRON, le Général d'HUGUES, le Colonel du Génie GUILLEMOT et le Colonel STOFFEL pour discuter des mesures à prendre en cas d'attaque massive. Avec le froid et le déboisement total, les tentes dressées pour 10.000 hommes face aux positions Prussiennes, sont des cibles magnifiques. Les baraquements montés par le Génie Civil sont aussi dans la partie la plus en vue du Plateau. On décide de transférer les troupes sur les pentes du Plateau qui font face au Fort de NOGENT.

27 DÉCEMBRE

Il a neigé pendant la nuit. Le froid glacial rend tous les travaux difficiles, voire impossibles.

8 HEURES DU MATIN

Les Prussiens démasquent toutes leurs batteries et ouvrent le feu sur AVRON, ROSNY et NOGENT. Le plateau se trouve au centre d'un feu convergent d'une extrême violence.
Les Prussiens ont installé et renforcé leurs batteries, soit 60 pièces d'artillerie, au RAINCY, à GAGNY, à CHELLES, à GOURNAY sur une demi-circonférence d'environ 14 km, ayant AVRON comme centre.
Dès les premiers coups, il est évident que tous ces canons ennemis sont de calibre supérieur à la plupart des pièces françaises.

 

Les canons KRUPP entrent en action.
Une véritable pluie de projectiles, d’éclats d’obus, de mottes de terre que le gel rend dangereuses, couvrent le Plateau. Les batteries d’AVRON tentent de riposter mais une autre évidence apparaît, la portée des pièces d’artillerie est insuffisante. Pensant que ce bombardement n'est qu'une préparation d'artillerie et qu'il sera suivi d'une attaque d'infanterie, on commence à se préparer à cette éventualité.

 

MIDI

 

 

Soudain, un obus pénètre dans une maison où déjeunent des officiers de l'État-major du 6ème bataillon des mobiles de la Seine, blessant le Commandant et tuant l'aumônier et plusieurs Capitaines. Cet accident fait une vive et fâcheuse impression sur les troupes. Des soldats épouvantés cherchent à s'enfuir, mais les troupes placées en arrière les ramènent au feu. Pour l'artillerie le danger est énorme, le temps est redevenu clair et les troupes offrent des cibles idéales. Les hommes sont obligés de se blottir dans les tranchées, immobiles, sans feu, les pieds sur la glace qui s'y est formée.

Le quartier Général sur le plateau d’AVRON est bombardé. Le Général d'HUGUES s’installe dans le bas de NEUILLY. Il restera toujours avec ses hommes. Le Général VINOY fait venir la division BELLEMARE, en arrière du Plateau pour les remplacer.

8 HEURES DU SOIR :

La position est intenable, les pièces françaises sont inférieures à l’artillerie prussienne, les batteries de mitrailleuses sont inutiles. Malgré les prouesses du Colonel STOFFEL, les forces sont trop insuffisantes. Le bilan de cette journée est de 100 tués ou blessés. Le Colonel STOFFEL confirme au Général TROCHU que l’artillerie est incapable de répondre aux canons Prussiens.

 

NUIT DU 27 AU 28 DÉCEMBRE

La température dépasse les -10°

VINOY attend toujours une attaque de l'infanterie Prussienne. Les batteries ne répondent pas aux bombardements prussiens. Il est probable que cette attitude, forcera l'ennemi à se porter sur le Plateau et l'on se tient prêt à les arrêter.
Il est interdit d'allumer de feu qui serait une belle cible pour les artilleurs Prussiens. Les hommes inoccupés attendent immobiles dans les tranchées, sans abri. Les cas de congélation sont nombreux, les vivres manquent.

28 DECEMBRE

5 HEURES DU MATIN

Le Général VINOY écrit:
« Je ne dois pas vous laisser ignorer que la position du Plateau d'AVRON peut devenir critique d'un moment à l'autre...Pour défendre ces positions, des jeunes troupes dont le moral n'est pas très solide et notre artillerie me paraît bien faible pour répondre au gros calibre de l’ennemi. » Avec la même vigueur, dès le levé du jour, les Prussiens ouvrent le feu. Le feu ennemi est plus précis que la veille. De nombreux soldats sont tués ou contusionnés. « Si les Prussiens avaient lancé leur infanterie, bien peu de nos soldats se seraient levés pour les repousser tant était grande leur faiblesse physique et morale.» Afin de se rendre compte par lui même de la situation, le gouverneur de PARIS arrive au fort de ROSNY vers midi et se rend à pied sur le Plateau. A ce moment, ayant peut être repéré le déplacement de TROCHU et de son escorte, le feu redouble d'intensité. Le gouverneur trouve tout le Plateau extrêmement bouleversé et constate le mauvais état des troupes d'infanterie. Il juge la situation assez grave et réunit à ROSNY un conseil de guerre. Une seule question se pose : faut il conserver ou quitter le Plateau d’AVRON ? La prudence conseille de mettre fin aux sacrifices inutiles depuis deux jours en évacuant immédiatement. Le Gouverneur décide de faire évacuer le Plateau pendant la nuit suivante.

A la nuit, comme la veille, le feu prussien cesse.

 

NUIT du 28 au 29 DÉCEMBRE

 

De l'Arsenal de VINCENNES, le Général TROCHU active l'envoi du matériel nécessaire pour l'enlèvement des pièces lourdes et de toute l'artillerie. Du fort de NOISY, l'Amiral SAISSET envoie des renforts de marins, le fort de NOGENT fait de même. Il fait nuit, il fait froid, les pentes du Plateau sont verglacées, dès le début les chemins sont vite encombrés. Le lieutenant de Vaisseau LAVISON, avec son personnel et ses chariots spécialisés dans le déplacement des grosses pièces fait pourtant des prouesses. Les chemins sont presque impraticables, il doit avec ses véhicules, se glisser au milieu de fourgons divers. Les chevaux ne peuvent tenir sur le verglas, on manœuvre partout à bras dans l'obscurité avec l'interdiction d'allumer du feu. Mais le bruit incessant des voitures attire l’attention des Prussiens qui ouvrent le feu de NOISY à GAGNY.

Une pièce de 30 de marine, montée sur une voiture se renverse dans la descente qui va vers NEUILLY PLAISANCE. Impossible de la sortir. Au sommet du Plateau une autre dont l'essieu a été brisé par un boulet, est bloquée sur place. Les troupes ont commencé aussi leur retraite.

Des gardes mobiles descendent dans les carrières où ils prennent un peu de repos avant d’être évacués. Beaucoup de mobiles dans le désordre de cette évacuation, gagnent PARIS. Sur les routes on se hâte, la retraite prend parfois des allures de déroute. Tous marchent à l'abri des Forts, vers PARIS.

 

29 DÉCEMBRE

Toutes les troupes ont quitté AVRON. Deux pièces d’artillerie restées sur place seront récupérées le lendemain. Les Prussiens tirent dans un premier temps sur le Plateau. Devant le silence de cette position, ils se rendent vite compte que le lieu a été évacué. Le plateau d’AVRON restera militairement inoccupé jusqu’à la conclusion de l’Armistice.

 

 

  • BIBLIOGRAPHIE :

Jacques ADAM
Philippe BOURGEOIS , Histoire de la Région au jour le jour.
Sylvie BOURGEOIS
Arthur BALLU
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HAMEL, doc. Historique sur la bataille du Plateau d’Avron (1870-1871).
HUSTIN, La guerre de 1870-1871 : les Allemands à l’Est de Paris.
Pierre LETOMBE, chronique du Plateau d’Avron.
MALET-ISAAC, Histoire de France.
Alexandre MERCIER, Episode du siège de Paris en 1870.
Lieutenant Colonel ROUSSET, Histoire populaire de la guerre de 1870-1871.
François ROTH, La guerre de 1870-1871.
Contre-amiral SEYSSET, Correspondance.
Gervase de TOURNEBOEUF, Journées de Champigny et de Villiers.
Claude TROQUET, La banlieue Est pendant le siège de Paris.
Général VINOY, Campagne de 1870-1871. Opération 13 ème corps & 3 ème armée.
E. VIOLLET LE DUC, Mémoire de la défense de Paris.
Charles VAVASSORI,
Vice-amiral Baron de la Roncière le NOURY,

 

 

 

 

 

 

 

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