Memoire vivante du Plateau d’Avron

 

 

Les premiers Avronnais qui s’installèrent au Plateau dès sa naissance, furent en majeure partie des Parisiens venant essentiellement du nord-est de la Capitale et des quartiers de Belleville, Ménilmontant, Montmartre, Charonne entre autres. Il s’agissait soit de gens assez aisés qui pouvaient s’offrir le luxe d’une petite résidence secondaire, soit de retraités fuyant la turbulence de Paris pour terminer leur vie dans le calme et les joies de la campagne…

Les familles s’installèrent de plus en plus nombreuses, souvent aussi pour procurer aux chétifs petits Parisiens un air pur et sain qui ferait d’eux des enfants en bonne santé.

Mais il fallait bien pour pouvoir vivre cette vie au grand air gagner sa vie et pour cela, il n’y avait que trois solutions : trouver du travail sur place ce qui n’était pas évident, ne venir que les fins de semaines et les vacances, ce que firent la plupart, ou aller chaque jour à Paris. Pour tous ces gens-là, ce fut épique car les moyens de transports étaient très aléatoires et le restèrent jusque dans les années 50. Cela donna lieu à de nombreuses péripéties qui méritent d’être narrées par le menu tant certaines furent drôles ou tragi-comiques.

Il y avait aussi une catégorie non négligeable, celle des sédentaires. Ceux-ci étaient la force vive de notre hameau qui lui permit de vivre en une autarcie relative puisqu’il s’agit des commerçants, des fermiers, maraîchers, artisans.

A cette population vint se joindre dans le premier tiers du 20 ème siècle, des Italiens. La majorité venait de la région de Bergame mais aussi du Frioul et de Vénétie. La vie était extrêmement difficile dans ces régions pauvres et plusieurs hommes choisirent l’exil dans l’espoir de trouver une vie meilleure. Le travail ne manquait pas à Avron dans les carrières et les plâtrières aussi, dès que l’un d’entre eux avait un emploi, il faisait venir parents et amis, c’est pourquoi la Communauté Italienne d’Avron était tellement soudée et l’est d’ailleurs toujours.

Il eut également une vague d’émigration vers la France, pays des libertés, en raison de la montée du fascisme. Les hommes qui sont alors venus avaient de sérieux problèmes politiques et ont préféré la fuite aux graves ennuis qui les menaçaient.

D’abord logés d’une manière très spartiate soit dans de petits hôtels, soit en location dans des conditions difficiles, ils attendirent pour faire venir leur famille que cette situation s’améliore. Très vite, ils se mirent à construire de petites maisons, un peu à l’image de celles de leurs provinces d’origine et il n’était pas rare de voir courir une vigne sur leur façade comme il est courant en Italie du Nord.

Lorsqu’une femme attendait un enfant, elle retournait dans son village pour accoucher chez sa mère. Il y avait deux raisons à cela : la tradition et la prime versée par l’état à chaque naissance. Elle revenait ensuite au Plateau rejoindre son mari et souvent les enfants aînés.

L’intégration se fit sans trop de difficultés. Oh ! Bien sûr, ils se faisaient parfois traiter de « Macaronis », l’expression « les Ritals » étant venue beaucoup plus tard. Les enfants eurent tôt fait d’apprendre le français et se montrèrent très vite de bons élèves, les parents y veillant avec sévérité.

Il arriva un moment où la population avronnaise se trouva être partagée par moitié entre Français de souche et Italiens. Cette situation a perduré et les jeunes Italiens de deuxième et de troisième génération se marièrent soit entre eux, soit avec des Français où Françaises ce qui fait qu’on pourrait qualifier notre village de « frantalien ».

Bien que moins nombreux, il ne faudrait pas oublier les Espagnols qui se sont installés au Plateau, pour les mêmes raisons que les Italiens : manque de travail, montée du franquisme. Eux aussi ont planté leurs racines de même que les Portugais qui, beaucoup plus nombreux sont arrivés dans la deuxième moitié du 20 ème siècle. Maçons pour beaucoup, ils ont construit leur maison sur le sol avronnais et ont également choisi de devenir commerçants. Nous reviendrons sur leur histoire.

Dès la fin du 19 ème siècle et le début du 20 ème,il y eut une arrivée massive de Maghrébins, Algériens pour la plupart, qui travaillaient à la construction de la Gare de l’Est et à la pose des rails pour le réseau S.N.C.F puis aux carrières. A l’époque, on les appelait péjorativement, « les Sidis » sans savoir que cela signifiait « monsieur » en français.

A part quelques exceptions, ils ne se sont pas intégrés dans notre village. Leurs familles étant restées au pays, ils n’avaient qu’un désir, y retourner. De plus, nos culture et religion différentes et nos langues éloignées n’ont pas facilité les choses. Ils ont donc vécu en communautés, les premiers à l’hôtel Ginevra, avenue Aristide Briand (ex avenue des Pins) puis au Casino (ex dancing) transformé pour les besoins de la cause et enfin dans des foyers Sonacotra.

Presque tous ces hommes sont retournés au pays avec la fin d’exploitation des carrières sauf quelques-uns qui ont fait venir leur famille mais il y en a peu au Plateau.

Mais tout ceci demande à être largement développé car la vie des Avronnais, quelles que soient leurs origines, est une saga infiniment riche, drôle, émouvante, tragique, pénible, la saga d’un village qui est le nôtre et que nous aimons tous, quelles que soient nos origines.